L'Echangeoir d'Ecriture

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Les nouvelles de l’été, Un visiteur improbable 2/3, Christine Guyot

Que se passe-t-il donc au jardin de Jacqueline? Découvrez la suite du Visiteur improbable.

– Sales gosses ! Je suis sûre que c’est un coup de ces sales gosses ! Ils marchent pas droit avec leurs trottinettes !

Elle enleva les tiges cassées en rouspétant et ramena la terre éparpillée au centre de la jardinière. Toute la journée derrière ses voilages elle espionna le moindre mouvement. Espérant presque que cela se reproduise pour prendre le coupable la main dans le sac.

Jacqueline derrière ses rideaux

– Tu vas voir comment je vais te les recevoir moi ces gamins s’ils reviennent !

La fin de la journée se passa sans encombre, mais Jacqueline était sur ses gardes. Elle continua à dévisager chaque promeneur pendant son arrosage du soir. La nuit qui suivit fut mouvementée. Jacqueline voyait des dizaines d’enfants avec des têtes de trottinettes se vautrer dans ses jardinières et jeter sa terre en l’air.

Le matin suivant, la journée s’annonçait radieuse. Pas un souffle de vent ne stoppa le bras de Jacqueline lorsqu’elle ouvrit ses volets battants. Le ciel d’une teinte bleue pâle abritait pourtant quelques nuages clairsemés. Si son premier regard s’adressait en général à la météo, ce ne fut pas le cas ce jour-là. Sans prendre le temps d’amarrer ses volets aux crochets, elle tourna inquiète la tête vers ses jardinières. Quelque chose clochait … Sans même enfiler sa robe de chambre, Jacqueline se précipita sur la terrasse pour constater que oui, c’était bien ça, elle n’avait pas la berlue, on avait éparpillé ses pétunias, encore piétiné ses œillets et cette fois-ci déterré une rangée de bégonias !

– Quel est le salopiaud qui m’a… Quel est le cochon qui…

Stupéfaite, Jacqueline ne terminait plus ses phrases. La bouche entrouverte elle restait là les bras ballants, tétanisée par la douleur de voir ses tiges malmenées et ses fleurs saccagées. Ce n’est qu’en apercevant le facteur qui tournait au coin de la rue qu’elle se résigna à rentrer, consciente qu’elle était encore dans sa chemise de nuit de coton blanc. Toute la matinée elle épia les allées et venues du moindre être vivant, se demandant qui, mais qui, avait pu malmener à ce point ses petites fleurs innocentes. Marc persistait à penser que ça ne pouvait pas être un coup des gamins mais qu’il s’agissait d’une attaque de pigeons ramiers. Elle l’envoya dare-dare chez Monsieur Bilmas, qui ouvrait le dimanche matin, afin de lui demander conseil. Ce dernier préconisa les effaroucheurs.

– Vous collez deux CD ensemble et vous les suspendez à une ficelle au-dessus de vos jardinières. A coup sûr y reviendront pas vos pigeons !

Marc alla donc fouiller dans sa réserve de vieux CD et l’on vit fusionner au bout d’une cordelette, accrochés aux treillages des jardinières, François Feldman et Karen Cheryl, tandis que Richard Clayderman faisait corps avec Georges Moustaki. Le soir venu les habitués tenant leurs chiens en laisse assistèrent médusés, dans la lumière du soir, à un ballet de disques compacts.

… A suivre…